Texte n°7

La complainte des tisseuses de soie

Toujours drap de soie tisserons

Et n’en serons pas mieux vêtues,

Et toujours serons pauvres et nues

Et toujours faim et soif aurons.

Et jamais tant gagner ne saurons

Que mieux en ayons à manger.

Du pain avons à partager

Au matin peu et au soir moins

[Jamais de l’œuvre de nos mains

N’aura chacune pour son vivre

Que quatre deniers de la livre.

Et de ce ne pouvons-nous pas

Assez avoir viandes et draps ;

Car, qui gagne dans a semaine

Vingt sous, n’est mie hors de peine.

Et sachez vraiment a estrouz (clairement)

Qu’il n’y a celle d’entre nous

Qui ne gagne vingt sous au plus.

De cela serait riche un duc !]

Et nous sommes en grande misère,

Mais s’enrichit de nos salaires

Celui pour qui nous travaillons.

Des nuits grande partie veillons

Et tout le jour pour y gagner.

On nous menace de rouer

Nos membres quand, nous reposons ;

Aussi reposer nous n’osons.

CHRÉTIEN DE TROYES


Ce poème est le récit de tisseuses de soie qui se plaignent de leurs conditions de travail, en effet, elles semblent travailler beaucoup trop par rapport à leurs maigre salaire. La complainte est un autre aspect du travail dans la poésie.