Texte n°4

L'Art

Oui, l’œuvre sort plus belle

D’une forme au travail

Rebelle,

Vers, marbre, onyx, émail.


Point de contraintes fausses !

Mais que pour marcher droit

Tu chausses,

Muse, un cothurne étroit.


Fi du rythme commode,

Comme un soulier trop grand,

Du mode

Que tout pied quitte et prend !


Statuaire, repousse

L’argile que pétrit

Le pouce,

Quand flotte ailleurs l’esprit ;


Lutte avec le carrare,

Avec le paros dur

Et rare,

Gardiens du contour pur ;


Emprunte à Syracuse

Son bronze où fermement

S’accuse

Le trait fier et charmant ;


D’une main délicate

Poursuis dans un filon

D’agate

Le profil d’Apollon.


Peintre, fuis l’aquarelle,

Et fixe la couleur

Trop frêle

Au four de l’émailleur.


Fais les sirènes bleues,

Tordant de cent façons

Leurs queues,

Les monstres des blasons ;


Dans son nimbe trilobe

La Vierge et son Jésus,

Le globe

Avec la croix dessus.


Tout passe. – L’art robuste

Seul a l’éternité.

Le buste

Survit à la cité.


Et la médaille austère

Que trouve un laboureur

Sous terre

Révèle un empereur.


Les dieux eux-mêmes meurent

Mais les vers souverains

Demeurent

Plus forts que les airains.


Sculpte, lime, cisèle ;

Que ton rêve flottant

Se scelle

Dans le bloc résistant !

Théophile Gautier


Ce poème est comme un répertoire des différent métiers de l'Art qui sont présenté ici comme des façons de résister. On passe des métiers du fer, par la sculpture à l'écriture et la poésie. Ce texte est une manière d'encourager les artistes à produire afin de réaliser leurs "rêves".